Race Across France – 300km

Posté le 07 Sep. 2020 dans : Comptes-rendu de courses, Cyclisme

En 2019, je voulais avoir un aperçu de ce qu’était le cyclisme ultra-distance en tentant de faire la Race Across France au format sprint (334km). Le destin en avait décidé autrement, Bowie tombant alors gravement malade en plein milieu de ma préparation, j’avais alors privilégié ses soins à mon entrainement (normal).

Puis en fin d’année, au cours d’un déjeuner avec Amélie avec qui j’étais inscrite en 2019 m’annonce vouloir se ré-engager sur l’épreuve. Là, je réalise que moi aussi, j’ai envie d’y aller. Je ne veux pas rester sur l’échec d’une préparation avortée, ni sur ce que je ne ferai pas. Je veux essayer d’aller au bout du truc et faire de mon mieux, et pour une fois, je ne suis pas en train de changer de taff ni de déménager.

Quelques mois avant…

Janvier 2020 : Je pars à la recherche d’un coach et on me recommande la structure WTS Coaching. Après quelques échanges de mails et coups de téléphone, c’est décidé, ce sera Sylvain Perréal qui m’accompagnera sur l’année pour atteindre mon objectif, je vous en avais parlé ici.

Février 2020 : Je prends mon dossard ! Je commence à m’entraîner ! C’est génial !

Mars 2020 : Le confinement ! La merde ! Je panique !

Avril 2020 : J’ai un home-trainer, un compte Zwift, donc j’essaie de continuer à m’entraîner avec l’aide du programme de Sylvain et je prends quand même du plaisir, surtout lors des rides que j’organise pour Liv.

Mai 2020 : On peut rouler dehors à nouveau ! Je pleure dans la première bosse de ma sortie de reprise tellement c’est dur. Je panique un peu mais je continue de m’entraîner. Au fil des jours je vois que les semaines de home-trainer ont payé et je me sens vraiment en forme.

Juin-Juillet 2020 : Je roule et j’avance dans ma prépa. J’enchaine les sorties géniales et les sorties plus difficiles où je me sens fatiguée. Écoutant les conseils de mon pote Louis, je décide début août de me reposer au maximum avant de partir.

Ma Race Across France 300km

Arrivée sur le village de course le vendredi 14 août pour retirer mon dossard, je rencontre enfin Ségolène, Arnaud, Céline et Sandrine, puis je retrouve Amélie ainsi que Bastien. Je suis stressée mais super contente d’être là et profite de chaque moment. Retour à la maison pour les derniers réglages du vélo et petite sieste.

Le soir, Olivier m’accompagne à la Paella Party où on traine avec la chouette bande des lyonnais puis on rentre se coucher tôt.

Malgré une légère insomnie (à la suite d’un cauchemar où mes parents planquaient mon vélo et mes affaires dans un ruisseau), je réussis quand même à dormir environ 8 heures. Mon heure de départ étant 11h56, j’ai largement le temps de me faire un super gros petit déjeuner (bagel, oeufs, fromage, fruits) puis de me reposer un peu.

À 11h54, dans le SAS de départ (aussi connu sous le nom de “Triangle des Bermudes), mon compteur Wahoo s’éteint, la trace GPX disparaît. Sachant que j’ai le sens de l’orientation d’un gravillon qui dévale une pente sans avoir aucune idée d’où il va finir, je panique un peu. Arnaud me dit d’aller à droite en sortant puis tout droit direction Grasse. Mon Wahoo remarche. Je suis tellement en stress que je pars avant même qu’Arnaud ait eu le temps de lancer le décompte. Pas de 3-2-1 pour moi, mais un “Je te vois au sommet du Ventoux” qui me portera dans les moments de doute de la course.

Je roule jusqu’à Grasse. Dès le 8ème kilomètre, l’ascension débute (il y aura environ 6200m de d+ dans ma journée). Pas simple. J’enchaîne lentement 4 cols. Il fait super chaud, je panique de pas rouler assez vite et je me demande si je ne me suis pas lancée dans un truc trop gros pour moi. Mentalement je me fissure un peu… Je me fais parfois doubler, parfois je double, mais globalement je n’ai pas de très bonnes sensations. Je suis avec un autre coureur super sympa et sa femme m’encourage à plusieurs reprises, ce qui m’aide à me relancer. Je commence à me sentir mieux dans la descente vers Castellane où je reprends du jus.

https://www.instagram.com/p/CEMs3YsBPe2

Olive m’attend au km 95, je le sais et ça me réconforte. En arrivant je lui dit que je suis pas sûre d’arriver à finir. Il me dit que tous les gens devant moi sont aussi dans le dur et ça me console un peu de savoir que cette souffrance est une expérience partagée. J’en profite pour manger / boire / m’allonger (30mn de pause chronométrée). Il m’assure que le reste du parcours sera beaucoup plus facile (en vrai, je sais que ce sera difficile jusqu’au km 150 mais je préfère le croire).

Jusqu’au km 185, tout va super bien : beaux paysages, un col un peu ardu mais rien de bien méchant. Il fait moins chaud, les gorges du Verdon sont magnifiques, je croise de plus en plus de coureurs et de coureuses avec lesquels j’échange rapidement. Je remplis mes bidons à chaque fontaine et dans chaque bar qui croise mon chemin. Je monte doucement, je descends vite, comme d’habitude.

J’essaie de faire un stop dans un snack de camping pour manger mais ne voulant pas attendre pour une pizza, je me contenterai d’une barquette de frites (que je n’ai bien sûr pas pu avaler). Je perds donc un peu de temps mais je discute avec Denis que je croiserai ensuite tout au long de la nuit. Je rejoins Olive au km 185 et je mange / bois / m’allonge (35 minutes de pause).

Pour mon alimentation, j’ai pris plein de gourdes 4Ultra (vegan, sans gluten, super bonnes) & quelques gels & bonbons Gu pour mes envies de sucré. Pour le reste j’ai voulu faire confiance aux boulangeries sur ma route, mais si c’était à refaire je prendrais davantage de nourriture “à mâcher”. Bref, je vole à Olive un bout de sa pizza vu que j’ai envie de nourriture solide et je repars en suivant Monique, une autre participante.

La nuit est tombée, il doit être environ 23 heures et je n’ai jamais vraiment roulé de nuit (sauf quand je rentre de soirée). Je perds Monique à l’entrée d’un village et je me retrouve toute seule. Curieusement, je n’ai pas peur, je n’ai pas froid, je me sens bien. La nuit est toute à moi. J’avale les kilomètres en souriant bêtement, je me sens bien.

Je suis dans ma zone quand je croise une cycliste et un automobiliste au bord de la route qui me saluent. Je leur réponds tout en continuant ma route et j’entends “Camille arrête-toi !!”. Je fais demi-tour. C’est mon amie Mathilda qui m’attend pour venir faire quelques kilomètres avec moi ! Elle m’avait dit qu’elle viendrait peut-être, mais quelle bonne surprise de la retrouver à cette heure-ci ! Elle m’accompagnera jusqu’à 3 heures du matin jusqu’à Gordes où elle me guidera au coeur du village.

Comme d’habitude, je profite de ma pause sur la place de Gordes pour boire / manger / m’allonger puis je repars toute seule dans la nuit. Je n’ai toujours pas sommeil.

Je débute l’ascension du col de Murs vers 4h30 dans la nuit noire. Je vois des chauves-souris, un sanglier puis un renard. Je n’ai jamais mis mes écouteurs pendant cette nuit, pour profiter des bruits de la nature, et c’est un vrai festival que cette dernière m’offre. Je croise une voiture qui ralentit à ma hauteur. Je flippe. Je continue à avancer.

La voiture fait un demi-tour sauvage derrière moi et me double, puis va s’arrêter quelques mètres plus haut. Je me demande ce qui va m’arriver, je me prépare même à appuyer sur le bouton d’alerte de ma balise GPS. Là je vois une personne faite de lumières qui s’avance vers moi. Olalala mauvaise hallu, j’ai l’impression d’être dans X-Files. Bon bha je vais mourir et en plus, ça va être chelou.

Mais non, c’est mon cher Damien Rosso que je pensais ne retrouver qu’au pied du Ventoux qui est venu me retrouver dans le col. Et les lumières, c’est l’éclairage de sa caméra ! Je redescends en pression, je me remets dans ma course et je rigole intérieurement en débutant la descente du col.

Arrivée au pied du Ventoux, je rejoins Olive chez Bed&Bike vers 7 heures du matin pour un petit déjeuner et un café avant de débuter l’ascension. Je suis encore en forme, j’ai les yeux qui brûlent un peu (combo lentilles de contact journalières + pas de lunettes transparentes + moustiques attirés par mes globes oculaires), mais je vais bien. C’est dingue, je suis trop contente, j’arrive même à faire des blagues.

Après une petite pause, je repars vers la dernière difficulté de la journée : l’ascension du Ventoux par Bédouin. Mon compteur affiche 320 kilomètres, j’ai mal partout, je suis trop contente d’être là. À la terrasse d’un hôtel, je tombe sur mes amis Nicole & Scott de Capra Vélo venus m’encourager, je les salue et j’ai le coeur tout serré. Puis dans l’un des horribles virages de l’ascension, je vois Caro & Laurent devant leur camion en train de me faire des grands signes. Avec Damien sur mes traces et Olivier au sommet, je sais que je n’ai pas d’autre choix que celui de me dépêcher pour les rejoindre au sommet. Et puis j’ai promis mentalement à Arnaud de le rejoindre au sommet du Ventoux il y a une vingtaine d’heures…

Alors je grimpe tant bien que mal. 10 tours de manivelle en danseuse, 10 tours sur la selle. Je discute avec un autre coureur qui me félicite pour ma vélocité. Je lui réponds qu’elle a dû décider d’arrêter sa course au pied du Ventoux. Je regarde les kilomètres restants défiler sur mon Wahoo. Tous les 100 mètres, je pense à un truc agréable que je vais pouvoir faire dès que l’épreuve sera terminée. “Dans 4.5km, je pourrais m’allonger”, “Dans 4.4km, je serai en vacances”, “Dans 4.3km, je vais pouvoir manger des pâtes”, “Dans 4.2km, je vais enlever mes lentilles de contact”, etc etc… Je transforme ce moment difficile en fête mentale.

J’aperçois le Chalet Reynard. Les mots de mon coach Sylvain me reviennent en tête : “Ne crois pas que c’est terminé au Chalet Reynard”. Bon ok alors, je continue de grimper. J’aperçois rapidement le col des Tempêtes et le village d’arrivée de la RAF sur le 300km. Je vois Olive, Arnaud, Ségolène, Damien, Nicole, Scott, Caro & Laurent en haut. Je me sens si heureuse et chanceuse. J’entends Arnaud me dire “tu peux t’arrêter ici mais si tu veux continuer, vas-y !”. Oh bha écoute, je suis plus à 500 mètres d’ascension près, et j’ai vraiment envie de voir le sommet du Ventoux, alors je continue de grimper. Je retrouve Laurent qui m’a suivi en haut. Petite photo souvenir, puis on redescend rejoindre tout le monde. C’est fini. C’est dingue.

Je debriefe avec Arnaud, le remercie d’avoir organisé un truc aussi dingue et de m’avoir aidé à y croire. Je serre tout le monde dans mes bras (c’est pas très COVID désolée), je viens de vivre un des moments les plus chouettes de ma vie, et ça a duré 22h30.

Presque 1 mois après la course, je suis encore sur mon petit nuage et j’ai la tête remplie d’envies pour la suite… En attendant, si vous avez envie de vous lancer dans l’ultra-distance : faites-le. C’est une expérience qui fera de vous une personne différente.

https://www.relive.cc/view/vMq5GWPdEQO

PS : J’ai mis longtemps à écrire cet article et j’y mélange des infos matos, nutrition et entrainement (donc c’est le foutoir) mais s’il vous reste encore des questions, n’hésitez pas à me les poser en commentaire ou en DM sur insta.