Race Across France 2021

Posté le 09 Août. 2021 dans : Comptes-rendu de courses, Cyclisme

543 kilomètres au compteur. 34h40 de vélo, de pauses, de galères, de rigolade, de douleurs et de joie. C’est ma Race Across France 2021 si je dois la résumer en une phrase. (WARNING : pour la suite, il faut aimer lire mais j’avais plein de trucs à raconter).

Après le 300km de l’an dernier, je savais que je reviendrai pour voir ce qui se trouvait de l’autre côté du Ventoux. À l’ouverture des inscriptions je ne me suis pas vraiment posé de questions, j’ai juste pris mon dossard et continué à m’entraîner.

2021 n’a pas été une année évidente pour moi (comme pour beaucoup de monde j’imagine). Avec la pandémie en toile de fond, les annulations d’évènements se sont succédées. La Gravel Tro Breizh à laquelle je devais participer en mai avec Olivier ayant été reportée, je me suis vite retrouvé sans objectif intermédiaire, après un hiver passé à crapahuter dans les bois en gravel et en cyclo-cross (ce qui a fait le plus grand bien à mon pilotage, mais pas grand chose pour mon endurance). J’ai aussi eu la chance de prendre de nouvelles responsabilités dans mon job & j’ai changé de coach pour travailler avec Jasmijn Muller… Bref, je ne me suis pas vraiment ennuyée.

Suite à tous ces évènements, j’ai donc décidé de m’inscrire sur la Born To Try entre Lamarque et St Girons soit 600km et 10 000m de D+ histoire de me programmer un gros bloc d’entraînement avant la RAF. En toute transparence, j’ai abordé cette BTT comme une balade très rapidement après avoir rencontré Pierre & Solenne (soit dès le 1er km) avec qui j’ai partagé toute l’aventure. J’ai décidé de les suivre en coupant ma trace à mi-chemin le dernier jour afin de rejoindre Lannemezan pour rentrer à Bayonne plutôt que de risquer les orages de montagne en solo jusqu’à St Girons.

Bref, suite à cette prépa assez chahutée, j’ai enchaîné quelques galères de santé (un kyste sous l’ischion vraiment récalcitrant) et une bronchite à 4 jours du départ de la RAF. Autant vous dire que jusqu’à la veille de la course, j’ai vraiment douté de ma capacité à pouvoir prendre le départ…

ET POURTANT, un peu fatiguée mais super contente, j’étais bien là le 24 juillet dernier prête à m’enfiler mon premier 500k d’une traite (parce que soyons honnêtes, je ne roule pas assez vite pour pouvoir dormir).

Ma Race Across France 2021

Cette fois-ci, je suis en terrain connu jusqu’au sommet du Ventoux. Je pars 3 heures plus tôt que l’an dernier à 9h20. Le temps est beaucoup moins chaud, et il y a un peu moins de circulation. Sans surprise je ne prends aucun plaisir jusqu’à Grasse, mais j’attaque avec joie l’ascension du col du Ferrier. Je discute avec plein de participant·e·s super sympas (coucou Cherafe!) dans les ascensions au fur et à mesure qu’ils·elles me doublent. Je vois bien que je suis incapable d’accélérer donc je monte tranquillement sans me cramer et enchaîne les kilomètres.

J’essaie de suivre la stratégie mise en place avec ma coach pour réduire mes temps de pause : chaque pause doit me permettre de faire au moins 3 choses (me changer, attraper un truc dans ma sacoche, remplir mes bidons, faire pipi, mettre de la crème solaire…) et je dois m’arrêter le moins possible si je veux pouvoir arriver sous la barrière horaire fixée à 36 heures. Donc j’avance et je me sens quand même beaucoup plus sereine que l’année précédente même si je continue sans cesse de me faire doubler. D’abord par ma copine Julia qui monte comme une flèche puis par les copains de FastClub.cc dans la descente vers Castellane. Je suis hallucinée par leur niveau d’énergie et je me demande si je ne devrais pas changer de marque de café (ils finiront d’ailleurs 2ème et 4ème du 300km). Le temps de manger ma part de pissaladière au Fournil de Castellane (tout comme l’an dernier) et je repars.

Je continue ma route et au sommet du Col d’Ayen c’est la bonne surprise : Olivier & Maud (ma petite soeur) viennent me rejoindre et font quelques kilomètres dans ma roue jusqu’à Puimoisson. Je ne parle pas trop en roulant. Trop de circulation, trop dans le dur. Mon coeur reste en zone 2 et je sens que je n’ai pas d’énergie à gaspiller. Je m’en veux un peu et je leur promets qu’on discutera à la pause.

À Puimoisson, c’est le moment Orangina. On rencontre Oscar, un participant du 300k avec qui on partage un chouette moment, puis c’est déjà l’heure de repartir. Je fais quelques courses pour la nuit au Cocci Market où je croise Joséphine et Monique. On repart avec Joséphine alors que le soleil commence à se coucher et ça me fait un bien fou de discuter avec elle. Puis je la laisse filer et je retourne dans ma bulle. J’ai plein de souvenirs de l’an dernier en tête quand j’arrive à l’endroit où j’étais tombée sur ma copine Mathilda qui m’avait accompagné une bonne partie de la nuit en 2020. Je pense à elle, qui doit être à seulement quelques kilomètres derrière car elle a décidé de prendre le départ du 300km et je souris toute seule.

Une fois la nuit tombée, j’allume mes lumières, je mets mes écouteurs et je sens que mon énergie arrive enfin. Je profite du calme de la nuit et de la pleine lune… Jusqu’au moment où un mec vient se coller dans ma roue en me disant que finalement sa lampe n’éclaire pas (bha oui un éclairage intermittent à l’avant c’est pas super optimal pour rouler la nuit hein). Au bout de 15 kilomètres je lui dis gentiment qu’on ne va pas pouvoir faire ça toute la nuit vu que le drafting n’est pas autorisé. Ca me saoule un peu parce que j’aime pas être désagréable mais bon, ça reste une course en autonomie et j’aime mieux rouler sans sentir quelqu’un me souffler dans la nuque sans m’adresser la parole.

J’attaque alors la dernière ascension avant le Bed&Bike : le fameux Col de Murs où mon pote Damien m’avait fait la peur de ma vie l’an dernier. Bon cette année, vu le nombre de participant·e·s sur la course, aucun risque de flipper, il y a toujours des gens autour de moi. On se fait un peu emmerder par des jeunes en bagnole probablement très saouls qui nous doublent en hurlant et me bloquent la route à un moment. Bon c’est pas trop le moment de s’embrouiller donc je les ignore et je trace dans la descente aussi vite que possible pour rejoindre la base de vie.

Malgré mes aventures, j’arrive vraiment en forme à la base de vie et je suis super contente de retrouver Olive. Bon il faut savoir qu’à 3 heures du mat, le Bed&Bike ressemble plus à un hôpital de guerre qu’autre chose. Beaucoup de gens dorment sur les transats sous leurs couvertures de survie, et les visages sont vraiment marqués. Je vois alors Sabine pour la première fois de la course qui me dit avoir été malade sur la première partie de course, puis Julia qui ne semble pas au top non plus. J’engloutis un peu de riz-thon, je bois deux cafés et un ice-tea, je discute avec mes collègues de travail Léo & Wilhem qui sont sur le 1100km et qui me dépannent d’un peu de cicaplast parce que : MON DIEU CE QUE J’AI MAL AU DERCHE.

Photo par Sab.
Photo par Sab.

C’est la grande nouveauté de cette année : j’ai mal au cul. J’ai changé de selle en début d’année pour remettre ma première selle & revendre ma selle italia (avec le recul, c’était une erreur). Je n’ai pas pris de chamois cream parce que je n’en utilise jamais. Et donc : j’ai mal au cul. Bon en même temps, c’est la vie, c’est pas ça qui va m’arrêter, donc je me change & je repars pour gravir le Ventoux. Je dis au revoir à Olivier sachant que je ne le reverrai pas avant l’arrivée.

Les kilomètres jusqu’à Bédouin se déroulent paisiblement, exception faite d’un blaireau qui va essayer de se jeter sous ma roue (mais bon trop mignon quand même). Je commence ensuite l’ascension avec beaucoup de facilité et je me sens alors super bien… juste quelques crampes dans le bas du dos mais je mets ça sur le compte de ma position et des heures de selle. Je ne m’arrête que pour enfiler mes manchettes et je repars. Je vois beaucoup de cyclistes au bord de la route, en train de dormir ou de se reposer avec le regard dans le vide. Y a un petit côté fin du monde dans cette ascension au clair de lune qui me fait plutôt marrer. Petit message de l’organisation qui nous indique qu’il n’y a plus d’eau au sommet du Ventoux et qu’il faut donc faire un stop au Chalet Reynard. Je m’exécute donc et en profite pour aller faire pipi … sauf que là c’est le drame : j’ai mes règles, il est 6h du mat, j’ai rien prévu pour et bon… c’est pas super pratique quoi (mais ça explique les crampes et le regain soudain d’énergie).

Je décide de faire abstraction de la situation tant que possible, de toute façon il n’y a rien que je puisse faire à ce stade, donc je termine mon ascension, recroise Sabine vers le Col des Vents et profite de cette magnifique arrivée dans la brume matinale. Je fais un rapide coucou à Arnaud et Ségolène à l’arrivée du 300km, et je monte jusqu’à l’aiguille où je m’habille, envoie une photo à mes parents (merci Nick!) et repart dans la descente.

https://www.instagram.com/p/CR5xgNAhG18/

Prise d’une confiance exagérée, j’ai décidé de laisser ma doudoune dans mon drop-bag à St Jean en Royans car la nuit était vraiment douce. MAIS QUELLE ERREUR DE DÉBUTANTE. Je suis gelée dans toute la descente jusqu’à Malaucène, n’ayant que mes manchettes, mes jambières et ma veste de pluie sur moi. J’arrive en claquant des dents à la boulangerie et j’ai franchement envie de chialer. Je m’en veux d’avoir perdu autant d’énergie, je suis frigorifiée, j’ai mal au ventre et mon tracker n’a plus l’air de marcher … Je n’ai qu’une envie : trouver une chambre d’hôtel pour prendre une douche et me réchauffer. J’envoie un sms à l’organisation pour signaler mon problème de balise & un sms à Olive pour lui faire part de mes intentions, mais sa réponse et sans appel : je n’ai pas le temps d’aller à l’hôtel. Pas si je veux boucler le parcours en moins de 36 heures.

Bon bha ok alors, je vais repartir rouler, ça me réchauffera. Je roule donc à la recherche d’une pharmacie pour m’acheter des tampons, un paquet de lingettes et du cicaplast. Je sors de la trace pour rentrer dans les villages et regarder si je trouve une pharmacie ouverte… sans succès. Puis vers 9h30 du matin je me souviens qu’on est dimanche et que je peux chercher encore longtemps… Je me rabats donc sur un Carrefour Market pour acheter ce dont j’ai besoin et un peu de bouffe que je partagerai avec le Monsieur qui fait la manche devant, et je repars pour trouver des toilettes publiques ou un coin de forêt.

Après une pause salvatrice (je vous avoue que j’ai cru à un moment ne jamais trouver de tampon et devoir rentrer dans un magasin de sport pour me racheter un cuissard propre), je repars tout en continuant de m’agacer sur ma balise qui ne fonctionne pas. Mon téléphone ne fait que sonner parce que tout le monde veut savoir si je vais bien, j’envoie donc quelques messages et je poste quelques stories. Je perds un temps dingue pendant cette matinée en fait… Et je commence à m’en rendre compte et à me dire que ça ne va pas le faire vu que je ne fais que m’arrêter depuis le lever du jour. Je commence à me sentir fébrile.

Arrivée devant un intermarché où je vois plein de vélos posés, je décide de m’arrêter. À ce stade, je ne suis plus à un arrêt près. Je m’achète des fruits, une baguette, un sachet de babybels et du gaspacho, j’essaie encore une fois de faire marcher ma balise, sans succès. Je me pose à l’ombre sur un bout de pelouse et je décide de faire une sieste de 20 minutes après mon déjeuner. Foutu pour foutu… autant dormir un peu. Je somnole quand mon réveil sonne puis je décide de repartir rapidement pour éviter que l’envie de me rendormir ne prenne le dessus. De là, je me rends compte qu’il me reste encore 125km, qu’il est 13 heures et que j’ai intérêt à me dépêcher si je veux arriver avant 21h20. Je décide alors de faire complètement abstraction de mes emmerdes de début de journée. J’ai de quoi gérer mes règles, j’ai de l’eau et je ne pourrais rien faire pour ma balise. Je me fixe donc un objectif : ne plus arrêter de rouler sauf pour mettre de l’eau et aller aux toilettes. Aucun autre stop ne sera toléré. Je roule aussi vite que possible, en plein soleil sur des routes qui n’en finissent pas. Je fais un arrêt dans une buvette au bord de la route où j’achète une bouteille d’eau et où je me fais un peu engueuler car beaucoup de cyclistes sont passés sans consommer depuis le début de la journée. Je leur explique la course que nous sommes en train de faire, leur laisse 20€ de pourboire pour les remercier et pour tous les cyclistes qui passeront avec moi. Puis je continue ma route jusqu’à basculer vers le Col du Rousset.

Au pied, je retrouve Sab ce qui me redonne le moral instantanément. Je commence l’ascension et je croise deux cyclistes super sympas en train de descendre qui me disent “Courage ! Y a de l’eau fraîche au village de Chamaloc un peu plus haut !”. Et ça tombe bien parce que je suis en train de cuire et que je n’ai plus beaucoup d’eau. Je fais donc un stop fontaine, mouille ma casquette, enlève mon jersey, me couvre de crème solaire et repart avec deux bidons plein d’eau fraîche, après avoir appris que la barrière horaire était repoussée de 2 heures en raison de la canicule. Même si ça m’enlève beaucoup de pression, je me souviens que mon objectif est de terminer en moins de 36h et surtout je n’ai qu’une envie : arriver. Je monte doucement mais sûrement, je bois beaucoup, je remets de la crème solaire régulièrement et j’essaie de ne pas insulter à voix haute tous les motards qui nous frôlent moi & mes camarades cyclistes.

Photo par Sab.

Arrivée en haut de cette interminable ascension, je rejoins quelques cyclistes pour partir vers le col de Lachau. On m’a prévenu que le panneau du haut du col n’était pas vraiment l’arrivée et qu’il fallait encore compter 2 kilomètres après celui-ci pour faire la bascule. À ce stade, je suis en mode pilote automatique donc je monte tant qu’il faut monter sans me poser de questions. En haut, des spectateurs m’indiquent que la descente sur St Jean en Royans fait 23 kilomètres. J’ai envie de chialer de joie. Il est 19h30 environ, je n’ai plus qu’à me laisser glisser jusqu’à l’arrivée. Je mets quelques coups de pédale pour prendre de l’avance sur mes camarades histoire de pouvoir descendre toute seule et je fonce.

La descente de Lacombe Laval est incroyable. Je n’ai jamais fait de descente aussi belle. Je suis toute seule, pas une voiture, pas un cycliste. Ce sera d’ailleurs mon seul vrai moment en solitaire de la course. Je descends vite et j’essaie de rester concentrée pour ne pas faire d’erreur de pilotage. Je suis émue, je pleure mais j’essaie de ne pas sangloter. Je réalise que c’est bon, c’est fait.

Dans Saint Jean en Royans je me paume un peu, mon GPS ne sait pas trop où aller donc je me guide à l’iphone et là je vois enfin l’arche bleue… J’Y SUIS ! Il est 20h pile. Je vois Olivier, Quentin (notre pote qui a fait le 500k avec moi mais que je n’aurais jamais croisé), Julia, Arnaud, Ségolène et tous les cyclistes déjà arrivés ainsi que l’adorable équipe d’organisation. Je rends vite ma balise (je la maudis) et retient toutes mes larmes. JE SUIS SI CONTENTE D’ÊTRE ARRIVÉE ET SI CONTENTE DE NE PAS DEVOIR REMONTER SUR MA SELLE.

Arnaud me remet mon t-shirt, ma médaille et je le remercie pour tout, car c’est grâce à lui que je suis venue à l’ultra, et que c’est par sa faute, que je me dépasse autant chaque année. Je n’en reviens pas, j’ai terminé ma course et dans le temps imparti.

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Et quelques semaines après, je dois l’avouer, je suis tellement heureuse de ma course, tellement heureuse d’avoir terminé malgré toutes les emmerdes avant et pendant… Je me découvre plus tenace et plus volontaire d’année en année et ça me fait incroyablement plaisir. Parce que la seule course que je mène est avec moi-même.

Reste à gérer l’après… pour ne pas laisser trop de place au vide, j’ai décidé de continuer l’entraînement en vue de nouveaux objectifs. En espérant que la situation sanitaire le permette 😉

Bref voilà, bravo d’avoir lu jusqu’ici et un spécial merci pour vos messages d’encouragement sur insta et facebook, merci à celles & ceux qui ont rendu l’avant course et la course super appréciables. Bravo à tous les finishers et puis vraiment, faites un truc qui vous terrifie une fois de temps en temps, ça fait du bien !